Les plus anciennes théories connues du langage apparaissent il y a près de vingt cinq siècles en Inde et en Grèce.
Panini rédige au IVe siècle avant notre ère une grammaire du sanskrit qui constitue une excellente description de sa langue et une réflexion sur son fonctionnement.
En Grèce, l'étude du langage est liée à la philosophie qui étudie le lien entre langue et logique – les deux mots provenant du grec logos. Platon (Ve-IVe siècle av. J.C.) et Aristote (IVe siècle av. J.C.) s'y intéressent.
La Grammaire de Port Royal (1660) d'Antoine Arnauld (1612-1694) et de Claude Lancelot (v. 1615-1695) est la première tentative moderne de formulation d'une théorie du langage. Elle part de l'idée qu'il existe un lien entre langue et logique et donc que le langage est une représentation de la pensée.
Au début du XIXe siècle apparaît en Europe la grammaire comparée. Elle tente de reconstruire les langues originelles dont proviennent les différentes langues du monde.
Grâce aux remarques de William Jones en 1786, on connaît les analogies entre le sanskrit et la majorité des langues d'Europe.
Les travaux de Franz Bopp, des frères Grimm et de Friedrich von Schlegel travaillent sur les lois phonétiques en se basant sur l'évolution des sons à travers le temps.
Le Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure
Le Suisse Ferdinand de Saussure (1857-1913) est le premier à effectuer une analyse structurale de la langue. Il définit les éléments du système sur la base de leur fonction et non pas sur celles de leurs caractéristiques phoniques. Sa théorie est présentée dans son Cours de linguistique générale (1916), Ce livre va révolutionner l'étude des faits de langue.
On trouve dans ce livre des distinctions qui vont être au centre des conceptions de la linguistique du XXe siècle :
distinction entre le langage (la faculté générale qu'ont les êtres humains de parler),
la langue (chaque instrument linguistique particulier) et la parole (l'ensemble des réalisations individuelles);
distinction entre les relations syntagmatiques (relations qu'une unité linguistique entretient avec d'autres unités présentes dans la chaîne du discours) et les relations paradigmatiques (relations qu'elle entretient avec des unités absentes et qui pourraient occuper sa place);
distinction entre le signifiant (c’est-à-dire la forme concrète acoustique ou phonique) et le signifié (le concept, le contenu sémantique, l'ensemble des réalités à quoi renvoie le signifiant).
l'étude synchronique est à distinguer de l'étude diachronique, c’est-à-dire que, dans le premier cas, la linguistique étudie des états de langue à un moment donné et, dans l'autre, l'évolution linguistique.
Leonard Bloomfield et le structuralisme américain
C'est avec Edward Sapir (1884-1939) et Leonard Bloomfield (1887-1949) que la linguistique américaine va prendre ses caractéristiques propres.
E. Sapir est surtout connu par ses travaux «l'hypothèse Sapir Whorf» selon laquelle la langue organise la culture d'une communauté.
L. Bloomfield élabore une théorie linguistique béhavioriste : la communication se base sur le modèle stimulus réponse. Dans son ouvrage le Langage (1933), L. Bloomfield insiste surtout sur la segmentation de l'énoncé linguistique en unités (la phrase est segmentée en constituants immédiats, puis en morphèmes), dont il étudie la distribution et classe les variantes.
Le cercle de Prague et la phonologie
En 1926, une équipe de jeunes chercheurs russes (Roman Jakobson, Nikolaï Troubetzkoï) et tchèques (Vilem Mathesius, B. Trnka, J. Vachek) fonde le cercle linguistique de Prague. Ils distinguent la phonétique de la phonologie, la première étudiant les sons de la parole et la seconde les sons de la langue, ces chercheurs fondent la phonologie structurale qui conçoit la langue comme un système répondant à une fonction (la communication) et mettant en œuvre les moyens nécessaires pour assumer cette fonction.
Dans les Principes de phonologie (publ. posth., 1939), N. Troubetzkoï définit le phonème comme la plus petite unité fonctionnelle, et l'opposition phonologique comme l'opposition phonique qui permet de distinguer deux unités sémantiques.
D'autres linguistes se joignent au cercle de Prague, comme le Britannique Daniel Jones et les Français Émile Benveniste et André Martinet, qui sont les principaux propagateurs de ces thèses.
L'école de Copenhague et la glossématique
Deux linguistes danois, Louis Hjelmslev et Knud Togeby, ont repris de l'enseignement de F. de Saussure l'idée que la langue est une forme et non pas une substance, créant la glossématique (du grec glôssa signifiant «langue») et s'efforçant de construire une sorte d'algèbre de la langue considérée comme pur jeu de différences.
Sur le modèle du cercle de Prague, L. Hjelmslev crée, en 1931, le cercle linguistique de Copenhague. Les Prolégomènes à une théorie du langage (1941) restent son texte le plus important. Dans cette approche épistémologique, seule la présentation du couple connotation/dénotation, reprise et transformée par Roland Barthes, a fait école.
La linguistique française
Les deux figures marquantes de la linguistique française moderne sont Émile Benveniste et André Martinet.
Benveniste a systématisé la notion de racine (une voyelle alternante entre deux consonnes) et s'est très vite converti à une approche structurale du lexique, étudiant en particulier le vocabulaire des institutions indo européennes. Puis il s'est consacré à la linguistique générale (Problèmes de linguistique générale, 1966-1974), apportant des contributions importantes à la théorie de l'arbitraire du signe et à celle des temps et des pronoms.
A. Martinet propose une théorie générale de la langue est connue sous le nom de fonctionnalisme, qui est une approche structurale et qui analyse les faits de langue à la lumière de la fonction – considérée comme centrale – de communication. A. Martinet élabore la notion de double articulation, posant que la langue est segmentée, d'une part, en monèmes (unités linguistiques ayant à la fois une forme et un sens, qu'il va classer à partir de la façon dont elles marquent leur fonction) et, d'autre part, en phonèmes (unités linguistiques n'ayant qu'une forme et pas de sens); cette vision lui permet de montrer comment quelques dizaines de phonèmes permettent de former des milliers de monèmes qui, à leur tour, s'assemblent dans les énoncés linguistiques.
Vers une grammaire générative
Se situant tout d’abord dans la lignée de l'école bloomfieldienne, l'Américain Zellig Harris formule les principes de l'analyse distributionnelle, en particulier dans Methods in Structural Linguistics (1951). Il développe une analyse de la phrase en constituants immédiats.
Z. Harris évolue ensuite vers une linguistique transformationnelle en partant essentiellement du problème des ambiguïtés syntaxiques. Par ex, l'apparente identité de structure de deux phrases – le menuisier travaille le dimanche et le menuisier travaille le bois – peut être réfutée en constatant qu'elles ne se prêtent pas aux mêmes transformations.
Noam Chomsky, disciple de Z. Harris, va utiliser cette idée de transformation d'une tout autre façon. Il part du principe qu'une grammaire est constituée par un ensemble fini de règles permettant de produire un ensemble infini de phrases. Une description syntaxique (ou grammaire générative) doit donc être pour N. Chomsky l'ensemble des règles dont l'application permet de produire toutes les phrases correctes de la langue.
Revenant aux conceptions de la Grammaire de Port Royal, il distingue ainsi entre les structures profondes et les structures superficielles. Pour lever l'ambiguïté d'une phrase – phénomène de «surface» –, il suffit de remonter son histoire générative, c’est-à-dire d'appliquer les règles de transformation à l'envers, pour retrouver la structure profonde concernée.
La sociolinguistique
Le Français Antoine Meillet (1866-1936) est le premier à insister sur les rapports entre la langue et la société. Dans son article «Comment les mots changent de sens», il étudie les liens entre milieux sociaux et variantes linguistiques. Paul Lafargue, dans son article «la Langue française avant et après la Révolution» (1894), analyse l'influence sur le vocabulaire d'un événement politique et social marquant. Entre 1920 et 1950, la linguistique soviétique officielle, centrée sur les travaux de Nikolaï Marr, affirme que le langage des ouvriers aurait, malgré les différences de langues, des caractéristiques communes. La nouveauté vient des États‑Unis où se développe, à partir des années 1960, une ethnologie de la parole, autour de chercheurs comme Dell Hymes ou John Gumperz, et en Grande-Bretagne, Basil Bernstein étudie les rapports entre formes linguistiques et classes sociales. L'apport de William Labov est imporant, tant au niveau méthodologique que sur le plan théorique. Saisissant le langage dans son contexte social, il en vient à définir une communauté linguistique comme un groupe de locuteurs qui partagent un ensemble d'attitudes sociales envers la langue.
La psycholinguistique
Certains chercheurs ont voulu mettre l'accent sur les relations entre les messages échangés par les interlocuteurs et l'état mental de ces interlocuteurs: c'est le domaine de la psycholinguistique. Cette science prit corps dans les années 1950 autour de psychologues (C.E. Osgood, J.B. Caroll) et de linguistes (T.E. Sebeok, F.G. Lounsbury).
Le psychologue B.F. Skinner intervint à son tour dans le débat, en proposant (Le Comportement verbal, 1957) une psychologie du langage fondée sur le comportementalisme. D'autres psychologues, comme le Soviétique Lev Vigotski ou le Suisse Jean Piaget, apporteront également leur contribution à la construction de la nouvelle discipline. Les chercheurs influencés par les théories de N. Chomsky vont, pour leur part, développer une approche psycholinguistique dans le cadre de l'analyse générative.
La linguistique appliquée
La linguistique appliquée consiste dans l'utilisation des méthodes de la linguistique ou des résultats des descriptions linguistiques pour résoudre différents problèmes techniques ou sociaux.
La linguistique, science modèle
La phonologie a, par sa rigueur méthodologique, très vite séduit des spécialistes d'autres sciences humaines. En 1942, Claude Lévi Strauss découvre le structuralisme en suivant les cours de R. Jakobson. L'anthropologie française, jusque-là influencée par les sciences de la nature, va dès lors emprunter la démarche de la linguistique générale, qui sera appliquée à des domaines très éloignés de la langue. Au début des années 1950, le psychanalyste Jacques Lacan découvre à son tour la linguistique. Il va en appliquer le modèle au fonctionnement de l'inconscient, énonçant que celui-ci est structuré «comme un langage».
Différents niveaux d’organisation des langues
Il existe différents niveaux de structure linguistique et chacun est pris en charge par une composante spécifique de la linguistique.
La linguistique est divisée généralement en cinq domaines : la phonologie, la morphologie, la syntaxe, la sémantique et enfin la pragmatique.
On distingue les disciplines qui s’occupent de la forme de la langue (la phonologie, la morphologie, la syntaxe) de celles qui s’intéressent au sens (la sémantique et la pragmatique).